Subsections
Une approche classique, due à Frobenius, pour résoudre des
équations différentielles, consiste à rechercher des solutions sous
forme de séries. Pour cela, il est nécessaire d'introduire tout d'abord
un peu de terminologie.
On se focalise ici sur le cas des équations linéaires
du second ordre, homogènes, que l'on met sous la forme générique
 |
(2.8) |
Les équations inhomogènes se traitent de la façon usuelle,
en résolvant tout d'abord l'équation homogène associée, et
en ajoutant à la solution générale de celle-ci une solution
particulière de l'équation inhomogène.
La méthode de Frobenius consiste à rechercher des solutions sous
forme de série, soit une série entière, soit une série
de Laurent, soit encore une série
faisant intervenir des exposants non-entiers. La différence entre
ces deux situations tient aux propriétés de régularité
des coefficients (variables) de l'équation.
Rechercher un possible point régulier ou singulier
en
revient donc à étudier le comportement
de
et
au voisinage de
. Un point
est régulier
si
et
sont finis. Il est singulier inessentiel
si
et
admettent une limite finie lorsque
.
REMARQUE 2.1 La définition ci-dessus n'a de sens que pour l'étude
des points sur l'axe réel. Pour étudier le comportement
des points à l'infini, il est nécessaire de faire le changement
de variable

, et d'étudier le comportement
en

.
Les théorèmes de Fuchs donnent des conditions simples
et explicites pour l'existence de solutions d'équations
de type (
). Considérons tout d'abord les cas où
les coefficients sont réguliers. Il est alors possible de les
développer en série entière au voisinage d'un point régulier
, et d'en déduire une solution elle même
sous forme de série entière. Plus précisément, on a
le résultat suivant.
Dans ces conditions, étant donné un point régulier
,
on peut rechercher des solutions de l'équation différentielle
sous la forme
Dans le cas plus complexe où les conditions de régularité sur
et
ne sont pas remplies, les solutions peuvent prendre
une forme un peu plus compliquée.
Supposons que
soit un point singulier régulier.
L'équation différentielle conduit à
où
et
sont deux
fonctions régulières.
Au voisinage de
, on approxime cette équation par
dont les solutions sont de la forme
où
et
sont les racines de l'équation indicielle
Ceci conduit à des solutions de la forme
où
et
sont deux fonctions régulières (c'est à dire
développables en série entière en
)... à l'exception du
cas où
est entier, voir ci dessous.
Dans le cas où
est un point singulier essentiel, les choses sont
encore plus complexes, mais on montre qu'il est encore possible de trouver
des solutions sous forme de série infinie.
Plus précisément, le résultat est le suivant:
REMARQUE 2.2 Dans le résultat ci-dessus, si le point singulier au voisinage duquel
on effectue le développement est inessentiel, on peut toujours se ramener
à une somme sur

, par exemple dans le cas non dégénéré
Ainsi, étant donnée une équation différentielle linéaire
d'ordre deux, homogène, la procédure à suivre est la suivante:
- Mettre l'équation sous la forme (
).
- Analyser les propriétés des fonctions
et
.
- Si elles sont régulières, on peut rechercher une solution sous forme
de série entière.
- Si elles sont singulières en
, mais que
et
existent, on peut rechercher une
solution sous la forme d'une série
.
- Dans le cas contraire, il faut rechercher une solution sous la forme
d'une série doublement infinie
.
Nous allons voir ci-dessous un certain nombre d'exemples.
Les fonctions de Bessel apparaissent naturellement dans le cadre
de l'étude de l'équation de Helmholtz bidimensionnelle exprimée en
coordonnées polaires, c'est à dire l'équation aux dérivées
partielles
 |
(2.9) |
et donnent un premier exemple d'utilisation de la méthode de
séparation des variables pour les équations aux dérivées
partielles.
En exprimant le Laplacien en coordonnées polaires
et en recherchant des solutions à variables séparées
on obtient la forme particulière
étant une constante, dont on verra qu'elle doit être réelle.
En effet, les deux membres de cette
équation dépendant de deux variables indépendantes, ils
sont nécessairement constants. De plus, si on veut que
les solutions de l'équation angulaire ci-dessous soient
périodiques, il faut nécessairement que cette constante
soit négative.
L'équation angulaire se résout facilement, et a pour solution
avec la restriction
(notons que si la constante
avait eu une partie imaginaire
non nulle, les solutions auraient été non bornés).
Passons à l'équation radiale. Elle s'écrit sous la forme simple
ou en posant
, et
 |
(2.10) |
Cette équation est appelée équation de Bessel d'ordre
. On se propose de la résoudre maintenant
en utilisant les séries de Frobenius.
On voit facilement que
est un point singulier régulier.
On peut également montrer l'existence d'un point singulier essentiel
à l'infini.
Supposons donc une solution de la forme
En insérant cette forme particulière dans l'équation, on obtient
Le terme de plus bas degré (c'est à dire
) nous donne
soit
ou
. Le terme en
donne
donc soit
ou
.
Choisissons
, et donc
.
Le terme générique donne quant à lui
et donc tous les coefficients
d'indice impair sont nuls.
On a donc
où
est la fonction Gamma d'Euler,
définie par l'inégrale
 |
(2.11) |
et qui vérifie (comme le montre une simple intégration par parties)
On a donc obtenu une solution particulière, qui dépend d'une constante
. Si on impose une normalisation de la forme
on aboutit à l'expression suivante pour la solution, appelée
fonction de Bessel d'ordre
et notée
 |
(2.12) |
REMARQUE 2.3 On a choisi ici le cas

. On peut se convaincre facilement
que

ne donne pas de nouvelle solution. En effet, on
a pour tout
Nous avons aussi fait un autre choix, lorsque nous avons posé
, choix qui nous a conduit à une seule solution (pour
fixé).
Or l'espace des solutions est bidimensionnel. Il est facile d'obtenir une
seconde solution en utilisant le Wronskien. Les fonctions correspondantes
sont appelées fonctions de Neumann, et
notées
.
Le Wronskien, défini par
est donné par
où
On a alors une autre solution, linéairement indépendante,
de la forme
 |
(2.13) |
Pour un certain choix (conventionnel) des constantes, on obtient
ainsi une seconde solution appelée fonction de
Neumann, notée
.
On montre que
diverge logarithmiquement à l'origine.
On introduit parfois aussi les
fonctions de Hankel de première
et deuxième espèce, définies par
 |
(2.14) |
Les fonctions de Bessel de
à
sont tracées en
FIG.
. Comme on peut le voir, ce sont des
fonctions extrêmement oscillantes. Il s'avère que leurs zéros jouent
un rôle prépondérant, comme on va le voir.
Figure:
Les fonctions de Bessel de
à
.
|
Notons
le
-ième zéro de la fonction de Bessel
:
On a alors la propriété d'orthogonalité suivante:
Preuve:
Posons
. Alors on a
Par conséquent, on peut écrire
de sorte que l'on peut écrire, par soustraction
d'où on déduit le résultat.
Pour ce qui est de la normalisation, elle peut être
obtenue explicitement (calculs non reproduits ici).
On pose
et on obtient ainsi une famille orthonormale dans l'espace de Hilbert
En outre, il est possible de montrer que cette famille est complète
dans
, de sorte que pour toute fonction
, on peut écrire, quel que soit
,
 |
(2.15) |
- Fonction génératrice:
En posant
il est possible de montrer que les fonctions de Bessel
d'ordre entier s'obtiennent via
 |
(2.16) |
En effet, en développant les exponentielles en série entière,
on obtient
de sorte qu'en posant
, on obtient
d'où le résultat (on a utilisé ici le fait que
pour tout
entier négatif.
- Relations de récurrence:
en différenciant la fonction génératrice par rapport
à
, on obtient la relation
 |
(2.17) |
De même, en dérivant par rapport à
et en identifiant les termes, on
aboutit à
 |
(2.18) |
On en déduit en particulier
On considère le Laplacien en coordonnées sphériques
, et l'équation de Laplace
 |
(2.21) |
En recherchant des solutions sous forme de fonctions à
variables séparées
et en supposant que la fonction
soit constante,
il est possible de montrer qu'en introduisant la variable
et la fonction
telles que
l'équation en
se ramène à une équation
différentielle de la forme
![$\displaystyle (1-x^2)y''(x) -2xy'(x) + Cy(x)=0\ ,\quad x\in[-1,1]\ .$](img510.png) |
(2.22) |
Cette équation est appelée
équation de Legendre, et
se résout par la méthode de Frobenius. On peut montrer
que l'équation possède deux points singuliers réguliers
en
, et un point singulier régulier à l'infini.
Ses solutions dépendent de la constante
. On peut
montrer
Dans le cas général, c'est à dire si
n'est pas de la forme
, les solutions de l'équation de Legendre ne sont
plus des polynômes, mais sont des séries infinies.
Tout comme les fonctions de Bessel, et bien d'autres systèmes de
polynômes ou fonctions spéciales, les polynômes de Legendre
peuvent être obtenus à partir d'une fonction génératrice,
ici la fonction
Il suffit pour s'en convaincre d'utiliser le développement
en série entière de
, qui converge pour
(pour nous ici,
).
On peut en déduire une relation de récurrence
On montre également la formule de
Rodrigues:
La même approche peut se transposer à d'autres situations, c'est
à dire à d'autres équations différentielles, que l'on
résout de façon similaire. Par exemple, on peut obtenir les
polynômes de Laguerre
à partir de l'équation différentielle
Les polynômes d'Hermite sont quant à eux obtenus comme solutions
de l'équation
On peut trouver de multiples autres exemples d'intérêt physique. Ils
sont toutefois souvent des cas particuliers d'une théorie plus
générale, que nous allons brièvement évoquer plus loin.
Bruno Torresani
2007-06-26